Le potentiel insoupçonné de Tou Bichvat

Tou Bichvat est une date mal connue du calendrier juif. Si les fêtes de Pessa’h, ‘Hanouka ou encore Pourim sont unanimement célébrées, il n’en est pas de même de Tou Bichvat sur laquelle on ne sait que très peu de choses. Il s’agit pourtant d’un jour essentiel de l’année juive, au potentiel spirituel gigantesque. Tentons d’en cerner les grandes lignes. 

La Guémara (Roch Hachana, 10b) rapporte la divergence d’opinions qui oppose Rabbi Eliézer et Rabbi Yéhochoua. Pour le premier, Adam Harichone fut créé en date du 1er Tichri tandis que pour le second, il fut créé le 1er Nissan. Ainsi, selon la première opinion, le monde aurait été créé le 25 Eloul tandis que pour la seconde, il aurait été créé le 25 Adar, vu que la création du monde a précédé de cinq jours la création de l’homme.

Nos Sages expliquent en outre que la conception d’un élément précède de 40 jours sa formation concrète. Par exemple, un embryon commence à être formé 40 jours après qu’il a été conçu. Or, si on considère que le monde fut créé le 25 Adar, cela signifie qu’il fut conçu « en pensée », pour ainsi dire, précisément le 15 Chvat, soit Tou Bichvat. Le fait que les premiers bourgeons des arbres fruitiers apparaissent justement à la date du 15 Chvat chaque année en Erets Israël, vient nous rappeler que le monde également fut conçu en ce même jour (le monde ayant été progressivement détérioré au fil du temps, de nos jours, les bourgeons de tous les arbres fruitiers n’apparaissent pas forcément à cette date. Ce fut pourtant le cas dans le temps et c’est encore le cas de nos jours pour plusieurs espèces).

Le Ram’hal (Dérekh Hachem, partie 4, chap. 7, 6) explique que les fêtes du calendrier juif ne sont pas de simples commémorations qui viendraient rappeler à notre souvenir des évènements survenus des siècles auparavant. Ces dates sont plutôt semblables à des « stations » temporelles sur lesquelles nous passons pour revivre l’évènement. Ainsi, chaque année à Pessa’h, D.ieu nous fait littéralement revivre la sortie d’Egypte en nous offrant l’occasion de nous libérer des chaînes de notre esclavage personnel. Chavouot est l’occasion pour chacun d’entre nous de recevoir à nouveau la Torah. Et ainsi de suite pour chacune des célébrations de l’année juive.

Selon ce même principe, Tou Bichvat n’est plus seulement l’occasion de commémorer le nouvel an des arbres, ainsi que nous avons l’habitude de l’appeler, mais bien plutôt la date où D.ieu conçoit de nouveau la création de Son monde, dans l’idée de le renouveler. C’est pourquoi nous y consommons des fruits : ceux-ci sont le symbole du renouveau et de la fructification dans le monde.  

Or, Tou Bichvat est une invitation à transplanter le renouveau de la nature sur notre propre personnalité, l’homme étant « comparable à l’arbre du champ », pour reprendre l’expression de notre Torah (Dévarim 20, 19). C’est pourquoi ce jour est particulièrement propice au changement et à la métamorphose de notre être. A l’instar de l’arbre dont les premiers bourgeons éclosent à Tou Bichvat, l’homme aussi peut faire apparaître en ce jour les prémisses d’un changement prometteur.